vendredi 29 octobre 2010

Lo prouvençau

Nous roulions depuis deux heures en rase campagne, de ces routes sur lesquelles on se rend compte à quel point le confort de l’électricité dans nos villes peut venir à nous manquer parfois. Les phares de la voiture avaient bien du mal à transpercer les ténèbres nous entourant. Et nous ne pouvions guère envisager le décor nous environnant à plus de quelques mètres. L’absence de lune et les nuages cachant la lumière habituellement diffuse mais suffisante des étoiles imprégnait l’air d’une sorte d’aura suffocante. Jennifer dormait sur le siège passager, et malgré mes tentatives répétées pour me tenir éveillé j’avais bien du mal à ne pas piquer du nez. La monotonie de cette route aux longues lignes droites, le silence environnant, la solitude qui donnait l’impression que toute vie avait quitté cette terre, tout concordait pour que le sommeil s’insinue en moi seconde après seconde.

Tripotant le poste pour en sortir une musique à même de me tenir en éveil, je manquais presque le panneau indiquant une auberge sur ma droite. Le temps de réagir je freinais d’un coup sec réveillant Jennifer qui se mit à hurler pensant que nous avions un accident. La rassurant je lui indiquais seulement dans le rétroviseur le panneau dont la silhouette squelettique rappelait un épouvantail qu’on aurait planté là pour effrayer les corbeaux.

Enclenchant la marche arrière je vins me poster devant le panneau pour l’éclairer de mes phares.

« Lo prouvençau » suivi d’une distance de deux kilomètres, comme un havre de paix promis dans le tumulte d’une vie déserte, je m’engageais sur la route fort mal entretenue qui ressemblait plus à un chemin de campagne qu’à autre chose. Jennifer n’arrivait plus à trouver le sommeil et regardait inquiète les ombres enveloppant la campagne. Quelques bosquets d’arbres décharnés faisaient dégouliner leurs branches chétives quasiment à hauteur de la voiture, et parfois le crissement de celles-ci sur le toit nous faisait sursauter même si nous savions parfaitement l’origine du bruit. Ce n’est pas sans un certain soulagement que je vis se dessiner quelque part au milieu des arbres épars une propriété aux murs hauts dont le fronton indiquait que nous avions trouvé notre destination.

Dans la noirceur de cette nuit sans lune j’éprouvais une sorte de reconnaissance sans borne pour les lumières que je voyais aux fenêtres du rez-de-chaussée de ce que j’aurais qualifié de mas typiquement provençal. Une bâtisse courte avec un seul étage, mélange métissé entre l’hacienda mexicaine et la ferme française. Des graviers marquaient le chemin jusqu’à une cour dans laquelle s’alignait quelques voitures dont la plupart étaient comme nous. Des voyageurs fourbus arrivés dans un port inconnu, sans attache, et cherchant simplement à se reposer et à prendre des forces avant de retourner affronter les éléments. Alors que j’aidais Jennifer à marcher un peu afin que la circulation reprenne dans ses jambes, je remarquais la quiétude qui régnait sur la demeure. L’étage était entièrement éteint et à n’en pas douter vu l’heure tardive il ne devait rester nul convive avec qui partager un petit bout de repas. Avant même que nous ayons atteint le seuil, la porte s’ouvrait sur une femme au charme trouble, grande, brune, une peau marquée par le soleil et un regard dont la noirceur d’encre rivalisait avec le ciel de la nuit. Nous accueillant, elle nous fit entrer dans la maison et nous fit déposer nos quelques bagages nécessaires près de ce qui semblait être l’accueil.

D’une voix à l’accent du sud marqué, elle nous proposa une petite collation avant de nous guider à notre chambre nous demandant quelques minutes pour la préparer. Nous n’avions rien mangé de la journée et l’angoisse qui lentement nous quittait nous avait laissé un creux à l’estomac. Suivant notre hôtesse nous fûmes introduits dans une salle en passant sous une arche de pierre. Les tables étaient toutes débarrassées à l’exception d’une seule vers laquelle elle nous guida. Je ne manquais pas de me demander si chaque soir ils gardaient une place pour les voyageurs égarés ou les retardataires.

Une fois installé, elle vint nous proposer les plats du jour écrits à la craie sur une ardoise posée en équilibre sur le long bar en bois qui coupait la partie cuisine de la salle à manger.

« tourto al fourestié » trônait solitaire d’une écriture cursive élégante et appliquée. Imaginant une tourte à la viande et aux champignons de par le nom, je commandais et Jennifer qui n’était pas très à l’aise avec les plats trop lourds le soir préféra commander une salade provençale comme le lui proposa notre désormais serveuse-réceptionniste. N’ayant guère envie de boire du vin à pareille heure nous attendions sagement en buvant parcimonieusement nos verres d’eau que nos plats arrivent. Lorsque ceux-ci traversèrent la salle une odeur douce et parfumée nous emplit les narines. Le chef devait avoir une formation très aboutie, car la présentation des plats même à cette heure de la nuit étaient impeccables, digne des plus grandes tables. Perçant la croute de ma tourte de la pointe du couteau j’en fis émerger un nuage de vapeur légèrement odorant, qui me mit l’eau à la bouche immédiatement. Jennifer avait déjà fondue sur sa salade et mangeait voracement les morceaux de viande qu’elle contenait, ne cessant de vanter les mérites du chef qui avait su garder le moelleux de ceux-ci et un goût absolument unique. Regardant sur la table je ne vis aucune trace de sel ou de poivre. Ne sachant pas si la patronne reviendrait rapidement en salle nous demander si tout allait bien et ne pouvant manger que lorsque j’avais ajouté une forte quantité de sel je me levais et me dirigeais vers les cuisines. Une bonne odeur de plats qui mijotent semblait en émaner et cette odeur avec un parfum incroyable qui me mettait immanquablement l’eau à la bouche au point que je me sentis avaler ma salive un peu bruyamment alors que je posais la main sur la porte battante.

Au travers du hublot une scène d’horreur m’assaillit, dans la grande cuisine, des litres de sang semblaient avoir été répandus sur les murs, les sols et les appareils. Je n’avais jamais mis les pieds dans une grande cuisine gastronomique mais je n’imaginais pas qu’elle puisse à ce point ressembler à un abattoir. Un haut le cœur me pris violemment aussitôt chassé par la faim alors que l’odeur douce de je ne sais quel plat venait chatouiller mes narines. Poussant la porte j’osais mettre un pied dans la cuisine et manquait glisser sur une flaque de sang. Je m’aperçus alors qu’il était relativement frais et d’une belle couleur pourpre. Me retenant à la porte battante je cherchais des yeux mon hôtesse ou le cuisinier mais la cuisine semblait totalement vide. Plusieurs immenses marmites étaient sur le feu, de grands fours semblaient faire cuire des plats tous plus appétissants les uns que les autres. Je ne voyais pas les restes de l’animal qui avait été saigné un peu plus tôt dans la cuisine, mais maintenant j’imaginais bien que les propriétaires devaient préparer tout le nécessaire pour nettoyer le chantier des cuisines. Je repérais devant moi dans une giclée de sang, une salière et une poivrière que j’essuyais rapidement d’un torchon relativement propre trouvé sur un plan de travail.

C’est en me retournant que je vis les restes comme balancés dans un recoin de la pièce qui n’était pas visible par les portes battantes. Je ne sais si ce sont les morceaux que j’y découvris ou bien les vêtements et autres affaires mélangées aux morceaux de chair sanguinolente qui eurent raison de mon esprit. Un spasme violent me retourna l’estomac que j’avais fort heureusement vide. Je remarquais alors près d’une planchette des os sur lesquels quelques bouts de chair pendaient encore. Je reconnus à la découpe des morceaux restés sur la planchette les petits morceaux de viande qui composaient la salade de Jennifer. Glissant sur le sang répandu sur le sol je me projetais vers la salle pour y cueillir Jennifer et essayer de nous enfuir de cet enfer. Je pénétrais comme une furie dans la salle à manger et ne me rendit compte de la fixité du regard de Jennifer que lorsque je pu voir qu’elle avait une plaie béante au niveau de la poitrine, qui avait imbibé de sans le pull en laine qu’elle portait. Ainsi qu’une coupure ouvrant une bouche immonde au niveau de son cou d’où pulsait encore quelques jets spasmodiques de sang. Ne voyant personne autour de nous et pris de panique j’attrapais ma veste et entrepris d’ouvrir une fenêtre de la pièce afin de m’enfuir le plus rapidement possible de ce lieu sans passer par les endroits où j’imaginais les propriétaires m’attendant prêt à me faire subir le même sort.

Plongeant dans le noir je m’affalais dans un massif de rosiers me griffant et me faisant saigner de multiples plaies causées par les épines. Mes yeux s’habituaient petit à petit à la noirceur d’encre de la nuit et je me glissais aussi doucement que possible vers l’angle de la bâtisse qui me cachait la cour et les véhicules. Pris d’un violent accès de panique je me lançais sans réfléchir sur les graviers, appuyant sur la clé pour ouvrir les portières. Je rentrais dans la voiture d’un mouvement rapide et refermait les portières de manière sécurisées avant de lancer le moteur encore chaud. En m’enfuyant de l’Hacienda je heurtais quelque chose sur lequel je roulais mais je ne m’arrêtais pas tant j’étais paniqué. Fonçant trop vite sur le chemin manquant plusieurs fois m’enfoncer dans les ornières de celui-ci mais n’arrivant pas à contrôler ni mon corps ni mon esprit. Ma voiture s’emballa et je sortais de la propriété à une allure si vive que je ne vis pas le véhicule qui remontait le chemin vers moi.

Ce n’est qu’en me réveillant du coma, plusieurs mois plus tard que je découvris que grâce à mon accident qui couta la vie au vrp qui cherchait l’auberge pour passer la nuit, les propriétaires furent arrêtés et condamnés à la prison à perpétuité pour de nombreux meurtres. D’après leurs aveux tous les soirs d’Halloween ils étaient pris d’une folie meurtrière et proposaient des menus à base de viande de leurs victimes. J’appris aussi ce jour là que la tourte dont j’avais passé commande était en fait une « tourte à l’étranger » ce qui m’ôta pour toujours le goût de l’exotisme et des langues inconnues.

 

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vendredi 15 octobre 2010

Comme Alice

Ma participation à la Soirée Slam de la bobine du 14 Octobre 2010.

Comme Alice regardant au travers du miroir
J'ai nourri bien des fois de très puissants espoirs
Et comme elle j'ai plongé dans les ombres suintantes
De mon esprit troublé de mes humeurs changeantes
Dans le monde aux merveilles où je pensais trouver
Des choses délicieuses, les caresses les baisers
Je n'ai trouvé qu'un monde bien loin de la magie
Dans lequel la maîtresse avait pour nom folie

J'ai souvent poursuivi de bien beaux papillons
Disparaissant alors ne laissant que frissons
Dans des endroits glacés, bien loin de la chaleur
Que j'avais le désir de faire naitre en mon cœur
La peur cette insidieuse est venu pour me prendre
S'insinuant en moi et mon âme en méandres
S'est retrouvée bercée par le flot assassin
De la mélancolie que j'avais en mon sein

Alice ma belle Alice, toi qui m'a devancé
Dans ce monde merveilleux, ce pays enchanté
Où donc t'es tu cachée, pourquoi me laisses tu
Exploser en silences les moindres des vertus
Faut il que je devienne pour jouir du voyage
Comme ceux que je rencontre serait ce le présage
Faut-il perdre innocence et plaisir de la vie
Pour en jouir un peu et vivre ses envies

Le monde est ainsi fait qu'il n'y a pas de place
Pour tous les doux rêveurs dont le cœur n'est de glace
Et le monde aux merveilles n'est pas plus fait pour eux
La seule chose qu'on y trouve c'est d'être malheureux
La quête initiatique n'en est qu'à ses débuts
Et je suis bien certain que je n'ai pas tout vu
Mais Alice je t'avoue que plus le temps me prend
Plus mon estime de moi se fait déliquescent

Allume une lumière, fait briller ta douceur
Apporte-moi dans ce monde un peu de ta chaleur
Guide mes pas ici et où me porteront
Les chemins de la vie ma moindre déraison
Je ne suis pas encore prêt à quitter mon corps
La mue est difficile et je résiste encore
Mon âme a t'elle la force de pouvoir résister
Une fois que dans ce monde je serais intégré

Le miroir est brisé le chemin sens unique
Je dois continuer et même si je panique
La lumière que je porte dans le fond de mon cœur
Saura bien me guider et dissiper mes peurs
Alice je te rejoins, surtout ne m'attends pas
Je viendrais à mon rythme découvrant dans tes pas
Qu'une mue ne doit pas être vue comme une mort
Mais comme une renaissance de l'âme ou bien du corps

Alice va je te suis, je n'ai jamais cessé
Mes errances sont seulement les poids de mon passé
On ne peut pas quitter en un temps bien trop court
Tout ce qu'on a été, et qu'on sera toujours
L'envie de partager, dans ce monde lointain
Fait que ceux qui m'évitent où me jugent importuns
Me font croire qu'ici bas je n'aurais pas ma place
Mais toi Alice tu sais qu'ici on ne se classe

Chacun peut y siéger et à droit de citer
Car ce monde est ouvert c'est un lieu libéré
Je vois un doux rayon, le soleil qui se lève
Un jour ma douce Alice je serais ton élève
Pour l'instant je voudrais simplement qu'on me tienne
La main dans ce dédale, que les règles on m'apprenne
Mais où est mon lapin, le guide sur cette route
Celui qui m'aidera à oublier mes doutes

 

 

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mardi 5 octobre 2010

Le gros stress de Lano

Enfin peut être pas notez, si ça se trouve cette marque de savon liquide Norvégienne va pouvoir utiliser cette histoire à son avantage.
Mais comme de bien entendu revenons sur les événements qui ont menés à ce buzz qui a traversé le web et qui me fait vous parler de cette marque de savon qu'on ne trouve même pas par chez nous.

Cette marque chaque année a pour culture d'organiser un concours afin d'élire le plus beau bébé de l'année qui aura entre autre récompense (en dehors de voyages par exemple) de figurer sur les produits de la marque.
Ce concours est on l'imagine fréquenté par des bébés tous plus délicieusement trognons les uns que les autres, ce qui a été le cas cette année encore.
Sauf qu'un forum de discussion 4chan pour le pas le citer a décidé de s'inviter dans ce concours en prenant le contre pied de l'opinion générale et en décidant de faire élire un bébé un peu particulier.

Car avant d'aller plus loin, il est nécessaire de vous expliquer que le petit Mikael Larssen qui est arrivé premier de ce concours cette année souffre d'un terrible handicap.
Son cerveau a été gravement lésé à la naissance et il est invalide à 100%, bien entendu il est aussi loin que possible de ce que l'on nommera les canons de la beauté.
Il reste encore difficile de juger de la raison qui a poussé les intervenants du dit forum à choisir cet enfant.
Dans le meilleur des cas l'idée est de faire accepter la différence et de proposer un regard neuf sur le handicap et sur ce que peut représenter la beauté dans notre société.
Dans le pire des cas c'est une très mauvaise blague, de très mauvais goût qui a si je puis dire mal tourné puisque le petit garçon de 5 ans a remporté tout de même 5 fois plus de votes que son premier dauphin.

Quel est l'intérêt pour un tel forum si ce n'est se faire un coup de publicité? Sont-ils vraiment si bien intentionnés que ça? N'était ce pas tout simplement une manière de tenter de faire perdre la face à la marque en la mettant face à un problème insoluble?
Pour la marque là aussi le stress a du être grand, habituée aux bébés blondinets aux yeux bleus on imagine fort bien que la photo du petit Mikael sur tous les produits de l'année 2011 a du leur faire soucis.
Mais forte d'une équipe réactive elle a su faire fi des pièges et semble avoir trouvé son intérêt dans l'affaire.
En effet quelle meilleure publicité pour la marque que cet enfant, elle va pouvoir compter sur un capital sympathie sans pareil et sur une image de marque à l'ouverture d'esprit qui saura marquer les esprits.

Bref mauvaise blague ou vrai élan pour faire élire cet enfant en montrant à quel point il faut savoir passer outre les différences.
Une chose est sure le petit Mikael Larssen aura fait parlé de lui (probablement à son insu) et la marque Lano aura dépassé les frontières de la Norvège avec cette histoire.
Pour ceux qui veulent voir le site officiel de la marque avec la photo du gagnant rendez vous à cette adresse.
Pour voir toutes les photos des candidats de l'élection de cette année c'est ici que ça se passe.

 

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